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Dimanche extra-ordinaire

Eva

Les dimanches n’ont jamais été si doux, si nonchalants. J’ai lancé une playlist « Folk & acoustique » sur Deezer. A. et son père se sont isolés pour faire la sieste. J. traîne à mes côtés, alternant les activités au gré de ses envies : les Kaplas, le jeu de construction avec les boulons à serrer, les vieux Astrapi descendus de la chambre. Parfois elle s’assoit sur le tabouret bleu et regarde par la fenêtre. Elle s’ennuie. C’est un ennui très doux, qui respire l’enfance. Je me souviens moi-même de toutes ces journées où je tournais en rond dans l’appartement, à côté de ma mère. Il me semble que J. n’avait jamais eu l’occasion jusqu’à maintenant de vivre avec tant d’intensité un ennui si profond.

D’habitude nous sommes toujours en train de courir. « Dépêche-toi », « tu dois faire ça… », « n’oublie pas de… » Même les dimanches ordinaires sont toujours emplis de tout un tas d’injonctions. Le matin, il y a le bain à faire couler (« aujourd’hui on fait les cheveux ! »), l’aspirateur à passer, le salon à ranger (« enlève-moi ces Kaplas par terre qui vont faire finir par faire tomber quelqu’un ! »), les courses au marché. Après, vite, il est déjà midi, on devrait être déjà parti chez Papi et Mamie ! Chez les grands-parents, on profite un moment – discuter, partager, écouter… Mais dans un coin de l’esprit, il y a une petite to-do-list qui s’allonge. Je pense déjà ce qu’il faudra faire de retour à la maison pour affronter le dimanche soir et préparer la semaine à venir. Et effectivement, l’heure de dormir arrive trop vite et, le soir, je me couche en pensant à tout ce que je n’ai pas fait et tout ce qu’il me reste à faire…

Aujourd’hui est un dimanche extra-ordinaire. Le ménage a été réalisé hier (j’ai même nettoyé les carreaux, ce qui m’arrive une fois… tous les trois ans). Les courses ont été faites par O. il y a trois jours pour une semaine entière. On ne peut pas rendre visite à mes parents. Pour les devoirs, on s’en passera puisque demain on reprendra la classe à la maison (on ne va pas en plus s’obliger à faire des devoirs). Et quant au lavage des cheveux, tant pis, cela pourra être bien fait dans deux ou trois jours, non ?

Alors on profite du temps qui s’écoule doucement au son de Janis Joplin. On se fait des crêpes. On chante « Prends le large » sur la bande son envoyée par le prof de solfège et j’apprends à jouer le morceau à la flûte. On a retrouvé au fond d’un placard une grande image avec plein de gommettes-mosaïques à coller. Cela nous prend deux bonnes heures, à six mains. Activité peu utile, mais reposante.

Dans le jardin, je regarde les bambous qui plient sous le vent. On a l’impression que l’un d’eux va se briser tant le vent souffle fort. Mais non, il finit par se redresser, intact. En revanche, le toit en plastique de la cabane construite par O. s’est déchiré. Il faudra trouver un moyen de le fixer pour qu’il soit plus solide.

C’est bientôt l’heure du goûter. Les dormeurs vont se réveiller. Le dimanche va continuer de s’écouler doucement. Sans « to-do-list », sans « il faut »… mais avec tout de même, dans un coin de mon esprit, une inquiétude qui rend le week-end mélancolique. Nous ne sommes pas en vacances. Nous sauvons notre peau, avec un couperet prêt à tomber à chaque instant.



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